Il est bienvenu d'apporter une pointe de ressenti, mais on fait, de ce que je ressens, un peu trop souvent face à une approche du type : "j'ai aimé, je mets une bonne note et je tourne ma critique positivement" / "j'ai pas aimé, je mets une sale note et j'insiste sur les défauts".
Pourquoi tu penses que c'est soit tout noir, soit tout blanc ? Dans chacun de tes posts t'as l'air de considérer que le testeur ne sait pas nuancer son avis et faire la part des choses.
Franchement, oui. La presse Net est pour une bonne partie assez représentative de ce qu'on peut trouver dans un certain pan de la presse papier qui a fleuri il y a une grosse dizaine d'années en France, avec ces rédacteurs qui emploient de la première personne du singulier et racontent pourquoi "le jeu est bien" ou "le jeu est pourri". Les sites web - et même la presse papier, d'ailleurs - où l'on est confronté à une critique, et pas soit à un test plus ou moins vague (en exemple premier, l'aspect "catalogue" d'un magazine comme Jeux vidéo magazine) soit à un papier extrêmement peu intéressant à lire et retranscrivant l'unique perception du rédacteur sans que l'article soit anglé pour correspondre à une démarche critique, sont extrêmement peu courants. En matière de presse papier, je pense à Canard PC qui, bien proposant une ligne éditoriale par moments critiquables, et des articles régulièrement médiocres, cherche justement à se mettre dans une démarche de critique anglée.
On est de toute façon face à une situation un peu compliquée, avec le jeu vidéo : cela reste un média jeune, qui est loin d'avoir été réfléchi et assimilé par la critique. On lit des tests de jeu vidéo ; des critiques, c'est extrêmement rare. Les articles de fond, qui réfléchissent sur le média, ou les papiers qui évoquent un jeu en se concentrant sur un aspect donné dans des conditions données, ce n'est pas courant. Cela va venir, mais, pour l'heure, on est encore dans les balbutiements de la réception critique vis-à-vis de ce média créatif. Une critique se devrait autant que possible de traiter de son sujet autour d'un angle, et de laisser en grande partie de côté telle ou telle facette du jeu qui ne concerne pas cet angle. On aurait alors une critique, et pas un test exhaustif. Les deux approches sont complémentaires, clairement, mais le souci du jeu vidéo reste que les critères qui le composent sont bien plus nombreux que ceux des arts qui sont généralement soumis à la critique, le cinéma en tête.
Or, un testeur se doit de faire en partie fi de sa perception personnelle
Je vois pas en quoi le testeur devrait faire abstraction de lui même pour noter un jeu auquel IL a joué, et bien souvent avant tout le monde, donc dur d'évaluer ce que peuvent penser les autres.
Y'en a pléthore de types de joueurs, presque autant que de joueurs. Si tu commences à essayer de donner un avis pour chacun sur chaque point du jeu abordé, t'as pas fini. D'autre part, croire qu'on connait les attentes, les goûts, les envies de chacun de nos lecteurs, ce serait un peu présomptueux et surtout une bien belle illusion. Et c'est quoi la gêne réelle ? Le critique ne va pas biaiser son avis au profit de celui d'un autre. C'est d'ailleurs pour ça qu'on peut trouver beaucoup de tests pour une même œuvre, histoire de se baser sur plusieurs avis (différents) construits de connaisseurs afin d'envisager l'achat.
Je ne dis pas de "donner un avis pour chacun sur chaque point", mais d'essayer de se dégager de sa simple perception personnelle, ce que la presse du jeu vidéo semble souvent oublier (ou alors, comme je l'ai dit, on part dans une autre approche, qui sera au niveau de l'écriture bien plus intéressante, mais probablement bien moins pertinente pour les joueurs qui vont lire ces papiers), pour pouvoir se demander si tel ou tel point qui nous plaît ou nous déplaît aura une chance de plaire ou de déplaire à tel ou tel profil de joueur. Il n'est pas question de faire apparaître cela de façon exhaustive dans son article, mais de l'avoir réfléchi lors de la préparation de l'écriture.
Sinon penser plus large que soi même, oui, mais seulement dans un court paragraphe pour dire à peu près à quel type de joueurs pourrait s'adresser le jeu dans sa globalité. Pour le reste, le lecteur est assez grand pour voir si ce qui est décrit dans le reste de la review lui convient. Si le testeur fait l'éloge d'un monde coloré (il considère donc ça comme une qualité à ses yeux) et qu'un lecteur qui préfère les ambiances sombres lit la critique, il va bien se rendre compte que cet aspect du jeu ne lui plaira sans doute pas...
Je ne vois pas cela comme une question de court paragraphe, mais plutôt, comme je le dis plus haut, comme une forme d'élément sous-jacent qui fut pensé au préalable. Et en faisant attention à la façon dont on formule les choses. "La direction colorée propose un monde coloré et brillant qui colle parfaitement à l'ambiance voulue", oui ; "La direction colorée propose un monde coloré et brillant qui est supersympa", je suis déjà bien moins pour. Car l'on ne jugerait alors plus la direction artistique, mais la façon dont celle-ci nous a plu : et ce n'est pas le rôle du journaliste de faire cela. Ce serait un peu comme dire "Impitoyable, c'est un film décevant parce que c'est sombre et que j'aime pas les films sombres".
Pour le reste, une question se doit d'être centrale : comment devrait réagir un journaliste confronté à un jeu que lui a détesté de A à Z, pour des dizaines de raisons, alors que le jeu, de son côté, fait le boulot, accomplit parfaitement ce pour quoi il a été conçu ? À mon sens, ici, il doit faire fi de sa perception personnelle, et orienter son article sous l'angle du fait que le jeu réussit à remplir son contrat. Il peut - et je dirais même doit - réfléchir à la façon dont sa perception peut lui faire intégrer un bémol quant à la qualité du jeu, mais ne doit pas mettre une sale note ou écrire une critique assassine parce qu'il n'a pas aimé le jeu.