Bleu...
Bleu...
Partout...
Du bleu...
"Le ciel ?" "Non, l'océan..." "Pourquoi l'ocean, où suis-je ?"
Ignis releva la tête et se mit à genoux. Il se trouvait dans une grotte dont les parois présentaient d'étranges reflets bleus. Non, pas une grotte, une salle, c'est ça, une salle. Au fur et à mesure que ses pensées se clarifièrent il se rendit compte qu'il était dans une énorme et sombre salle souterraine, taillée dans le roc, dans une grotte, et dont une grande ouverture menait vers l'océan. De l'autre côté de la salle se trouvait un grand escalier de pierre, qui montait vers les sommets de la grotte. Lorsqu'il put se mettre debout, à grand peine, il se diriga vers la mer... L'eau semblait d'une pureté incroyable. Il en voyait le fond, à plus de 10 mètres sous la surface. Une barque était attachée non loin à un ponton. Mais il n'avait pas la force de ramer, donc il renonça à sortir de la salle par cette voie.
Il se dirigea donc comme il put vers le grand escalier. Au fur et à mesure qu'il en approchait, il vit que d'étrange gravures ornaient les murs. Les reflets aquatiques sur ces parois donnaient un étrange aspect apaisant à ces formes géométriques à la fois simples et magnifiques.
Un fois au pied des marches, il se retourna une dernière fois et commença péniblement son ascension. Des torches brûlaient ça et là, lui permettant de distinguer le contour des marches grises sur lesquelles il posait le pied.
Au bout d'une montée qui lui parut des heures, il s'arrêta quelques instants pour souffler. A ce moment là il lui parut entendre au loin un battement d'aile, mais il repoussa cette pensée. Il était trop fatigué pour penser à quelque chose d'aussi futile...
Il poussa non sans mal la lourde porte de pierre ornée d'une gravure majestueuse, un blason représentant une vague, une lune, et trois dauphins. Un fois de l'autre côté, il se rendit compte qu'il se rouvait dans une petite maison, dont les volets fermés laissaient filtrer un peu de la lumière du jour. Il ouvrit la porte de bois située devant lui, et fut ébloui par le soleil, qu'il n'avait pas revu depuis si longtemps...
Une jeune fille passa devant lui et continua son chemin sans le voir.
Toutes les personnes qu'il croisa ne le remarquèrent pas plus... Il se dirigea vers le centre de la cité, qui était faite entièrement de pierre. Les formes des bâtiments, les habits des gens, ces arbres étranges aux fruits dorés... tout lui semblait étrangement familier...
Il arriva au coeur de la cité. Au centre d'une place énorme dont les dalles au sol étaient toutes gravées avec une finesse incroyable se dressait un temple. Ses lignes étaient pures, et les colonnes de pierre baignées de soleil semblaient l'appeler, l'attirer vers leur ombre protectrice. Il traversa la place et se présenta devant l'entrée du temple. Les portes monumentales étaient fermées, mais une petite ouverture dans le mur adjacent lui permit de pénétrer dans le temple. Ce dernier était rempli de fidèles, mais aucun d'eux ne le vit non plus. Il priaient tous en direction d'une statue. Mais... Cette statue... Il la connaissait ! C'était encore un de ses rêves... Encore un rêve de destruction... Il tomba à genoux au milieu de l'allée. Une main entourée d'une douce lumière essuya ses larmes puis se glissa sous son menton et lui releva le visage. Une main d'enfant... Il plongea ses yeux dans ceux de la petite fille. Ces yeux... Ce bleu... L'océan... Maintenant il comprenait...
"Bienvenue chez toi". La jeune enfant avait parlé d'une voix douce et cristalline. "Chez...moi ?", répondit Ignis d'un air hésitant.
"Oui. Chez toi. Là où tu es né, Ignis. Sur Atlantis."
"Je suis...né ici ? Mais alors..."
"Tu es parti il y a quinze ans, Ignis, mais tu ne t'en souviens plus. C'est ce moment que tu es en train de revivre. Tu es...le dernier survivant d'Atlantis. "
"Comment?", cria Ignis sans qu'aucun des fidèles ne le remarque. "Mais...toi ?".
"Tu ne te souviens pas de moi, c'est vrai. En effaçant tes souvenirs mon père m'a aussi effacée de ta mémoire. J'ai repris le corps que j'avais ce jour là... J'avais huit ans... Toi aussi... Nous étions comme frère et soeur toi et moi. Nous étions inséparables. Nous avons grandi ensemble... Je suis la fille du grand prêtre de ce temple. Et tu es l'enfant d'un pêcheur de la ville basse. Mais quand ton père est mort, juste après ta naissance, nous t'avons recueilli, Ignis. "
"Mais...pourquoi avoir effacé tout ça de ma mémoire ? Pourquoi dis-tu que je suis le dernier survivant ?"
"Nous revivons en ce moment la dernière journée d'Atlantis, Ignis. Ce jour-là, tu t'étais réveillé tôt, tu avais mal dormi. Nous avions ensuite joué un peu, non loin d'ici, puis nous étions allés cueillir des fruits... Et puis ce dragon est passé au dessus de nous dans le ciel. Tu as eu très peur, je m'en souviens. Nous sommes rentrés en courant ici, et c'est là que mon père nous a retrouvés. Ce moment ne devrait plus tarder, maintenant..."
"Hein? Que..."
Des explosions retentirent. "Les dragons. ils attaquent", fit la jeune fille d'un air impassible.
Des feux naquirent un peu partout dans la ville. Le temple lui aussi fut touché et les fidèles sortirent en désordre.
Un homme aux habits de prêtre entra soudain en courant dans la salle principale par une petite porte derrière la statue. Son regard était affolé. "Où sont les enfants ?", demanda-t-il aux prêtresses...
Devant leur regard indécis, il repartit en courant vers la porte. A ce moment deux enfants entrèrent. Ignis reconnut la petite fille, puisque c'était la même qu'il avait à ses côtés. En revanche se voir enfant lui causa un choc. Il était assez petit, avait des cheveux chatain clair, de grands yeux verts, et un air triste qui ne quittait pas son visage.
Le prêtre les entraîna très vite dans une salle située derrière le temple.
Il expliqua rapidement aux deux enfants ce qui allait se passer. Il allait les envoyer dans un endroit sur. Les enfants pleurèrent, sans doute sans savoir pourquoi. Le prêtre tira de sa poche un petit objet et le dirigea vers les yeux d'Ignis. Un rayon de lumière en sortit et l'enfant s'effondra. La petite fille poussa un cri et se précipita vers le corps de son ami. Son père la retint par le bras et déposa le corps inerte sur un autel. Une lumière enveloppa l'enfant et l'éleva en douceur vers le ciel.
Le prêtre ressortit le petit objet et le dirigea vers sa fille. A ce moment là, une brèche s'ouvrit dans le toit et le plafond s'effondra. Une pierre s'écrasa sur le prêtre sous le regard horrifié de sa fille. Par l'ouverture dans le toit, cette dernière vit le dragon qui avait causé cette mort et jura intérieurement sa perte. Une pierre avait aussi démoli l'autel sur lequel avait été déposé le jeune Ignis. Elle repéra cependant un autre autel, plus petit, moins majestueux, dans un coin de la pièce. N'ayant pas d'autre issue, elle y monta. Un halo bleu l'entoura et elle se fondit dans le mur.
"Qu'était cet autel?", demanda Ignis.
"L'autel de la divinité, celui sur lequel on posait le corps des grands prêtres après leur mort. Il m'a menée directement dans le monde des dieux. Quand ils m'ont vue arriver, plusieurs dieux ont voulu me bannir, mais une déesse a déclaré qu'elle me prenait sous sa protection. Elle s'appelait Mitula. Les dieux sont prétendus immortels, mais Mitula ne survécut pas à la destruction du dernier de ses temples, à laquelle tu as assisté, tout comme moi. J'ai pris sa succession mais je ne suis pas déesse. Je t'ai vu grandir et je suis fière de ce que tu es devenu. Je ne peux accéder à toi que dans tes rêves, et petit à petit j'ai voulu te rendre ton histoire."
"Mais pourquoi ?"
"Pour...faire renaître Atlantis. Tu as maintenant la force pour réussir à inverser le cours de l'histoire... Pour que nous nous retrouvions...enfin..."
"Que dois-je faire?"
"Atlantis se trouvait au milieu de l'océan. Mais pour t'y rendre tu dois t'enfoncer au plus profond des terres."
Autour d'eux l'île achevait de sombrer dans le chaos.
Soudain tout se brouilla.
"Je ne connais même pas...ton nom", parvint à articuler Ignis.
Une voix lui parvint comme un murmure : "Je m'appelle ... Théa ..."
Dans l'obscurité des larmes se mirent à tomber du ciel. "Non, pas des larmes...", se rendit-il soudain compte, "... de la pluie..."
Non loin il entendit une rivière... et des voix... Et le templier ouvrit à nouveau les yeux au monde...