Peu de restrictions à l’embauche et au licenciement des salariés. Afin de permettre aux entreprises d’adapter leurs effectifs, le modèle danois ne présente guère de restrictions pour l’embauche et le licenciement des salariés. En contrepartie, les allocations de chômage allouées aux personnes concernées sont généreuses par rapport à la moyenne européenne. L’économie s’adapte bien aux changements structurels, et les Danois changent de travail plus souvent que leurs collègues européens. Les salariés considèrent tout de même que la sécurité de l’emploi est très élevée. Entre autres, parce que les entreprises sont plus disposées à embaucher quand un contrat d’embauche malheureux peut être résilié ce qui permet d’ailleurs aussi aux salariés de retrouver assez rapidement un nouvel emploi en cas de licenciement. Dans les pays industrialisés, on constate que souvent l’existence de règles rigides dans le domaine de l’embauche et du licenciement est combinée avec des taux de chômage élevés et, en particulier, des difficultés importantes à réduire le chômage une fois qu’il a augmenté.
Politique active de l’emploi. Les demandeurs d’emploi bénéficient d’un accompagnement intensif et régulier dans leur recherche d’un emploi. Ils ont l’obligation d’entretenir un contact personnel avec l’équivalent danois de l’ANPE, au minimum tous les trois mois. En outre, être demandeur d’emploi implique au Danemark l’obligation de participer à un programme de formation ou d’emploi organisé par l’agence et ce dans les 12 premiers mois de chômage. Le délai de 12 mois est ramené à six mois pour les personnes de moins de 30 ans et sans qualifications professionnelles. L’agence et le demandeur d’emploi conviennent ensemble d’un « plan d’emploi » individuel avant la participation à un programme. Ce plan doit identifier la meilleure voie pour trouver un emploi sur la base des besoins individuels du demandeur d’emploi. Les programmes offrent un soutien au développement de la capacité de travail en préparant très concrètement les demandeurs d’emploi aux situations de la vie professionnelle. Ces programmes, qui se basent sur le principe «travailler pour bénéficier », ont aussi un effet incitatif sur ceux qui cherchent eux-mêmes un emploi au lieu de participer aux programmes de formation ou d’emploi.
Règles renforcées pour bénéficier des allocations de chômage. Tout en maintenant les allocations de chômage, l’incitation au travail a été renforcée par plusieurs changements régulatifs. Pour bénéficier des allocations de chômage, une plus longue période de travail préalable est désormais requise. Les normes auxquelles les offres d’emploi doivent se conformer ont été assouplies, ce qui demande au bénéficiaire une plus grande flexibilité. Les sanctions imposées aux bénéficiaires refusant une offre d’emploi ont été durcies. La durée maximale pendant laquelle une personne peut bénéficier des allocations de chômage a été réduite mais les personnes au chômage en fin d’indemnisation ont droit à un système d’aide sociale géré par les communes.
Partenaires sociaux responsables et rôle croissant des caisses de retraite privées. La détermination des salaires a été de plus en plus décentralisée. Les entreprises et les salariés revendiquent davantage d’autonomie pour déterminer eux-mêmes leurs régimes de temps de travail. En raison de la forte présence de caisses de retraite privées (pour compléter la retraite de base qui au Danemark est peu généreuse par rapport à la moyenne européenne) la possession indirecte d’actions entre autres est très répandue, conduisant, peut-être, à un intérêt croissant parmi les salariés et les citoyens ordinaires pour la bonne santé économique des entreprises.
Le rôle important de la politique macro-économique
La politique macro-économique a aussi joué un rôle clé. La politique budgétaire a été resserrée de manière décisive pendant la période de bonne conjoncture de la première moitié des années 1980 et de nouveau pendant la seconde moitié des années 1990. Ceci n’a pas seulement contribué à éviter la surchauffe de notre économie mais aussi à assurer des conditions budgétaires solides, qui ont permis des politiques de stimulation fiscale lors des ralentissements de la croissance au début des années 1990 et après 2001. Avec une situation budgétaire solide et une dette publique en baisse par rapport au PIB, le coût de la dette a baissé, accroissant ainsi, d’année en année, la marge de manœuvre fiscale.
Au niveau monétaire, l’histoire du Danemark est plutôt mitigée. Pendant plusieurs périodes de mauvaise conjoncture où une stimulation monétaire aurait été avantageuse, surtout en 1993, les taux d’intérêt ont augmenté suite aux perturbations sur les marchés de devises. Un taux d’intérêt pro-cyclique a donc aggravé l’instabilité et a eu pour conséquence un taux de chômage élevé. L’adhésion de la France à l’euro lui a permis de résoudre ce problème. Pour le moment, le Danemark doit viser à assurer le maximum de crédibilité pour ce qui concerne notre politique de taux de change fixes par rapport à l’euro.
La libéralisation des marchés financiers a joué un rôle important en stimulant la demande au début des années 1980 et aussi au début des années 1990 au moment où l’économie en avait besoin. Les innovations et les dérégulations sur le marché hypothécaire continuent à stimuler la consommation privée et l’économie puisqu’elles font augmenter les prix de l’immobilier privé et permettent d’hypothéquer plus facilement celui-ci. Le redressement actuel de l’économie est, entre autres, renforcé par la création de nouveaux emprunts hypothécaires, dont l’amortissement est fixé à zéro pour une période allant jusqu’à dix ans.
Les réformes structurelles souffrent, à tort, d’une mauvaise réputation. Certains critiques craignent que les réformes structurelles n’introduisent des éléments de la politique économique américaine, conduisant à un accroissement des écarts de revenu et détruisant la cohésion sociale. Or, le Danemark combine à la fois un des taux d’activité les plus élevés parmi les pays membres de l’OCDE et un des taux d’inégalité les moins importants en matière de revenus. Le système d’éducation (y compris le système de formation permanente) semble avoir satisfait la demande croissante d’une main-d’œuvre qualifiée. La distribution relativement égale des revenus correspond à une distribution relativement égale des qualifications, en particulier parce que ceux qui sont considérés comme “sans qualifications professionnelles”, ont des compétences de base relativement bonnes et une adaptabilité importante en comparaison avec celle existant dans d’autres pays.
Il nous faudra mieux expliquer les bénéfices résultant des réformes structurelles, et il nous reste encore beaucoup à faire. Au Danemark, les défis sont importants et consistent entre autres à augmenter l’âge de la retraite, à mieux intégrer les immigrés sur le marché du travail, à améliorer la qualité de l’éducation, de la formation et de la recherche et à améliorer la productivité et la concurrence entre les entreprises du secteur privé et du secteur public.
Comme pour les ”resserrements” budgétaires, il est important d’éviter que les réformes structurelles ne soient perçues comme un démantèlement de notre modèle social. Au contraire, les réformes structurelles contribuent à améliorer les perspectives pour le marché du travail et le niveau de vie. Certes, les réformes structurelles exigent de la flexibilité et l’acceptation de changements de la part de nos concitoyens – mais par la création de nouveaux emplois, elles nous offrent l’une des meilleures voies pour assurer la cohésion sociale et la création d’une Europe sociale et d’une Europe de la croissance.