Boyhood de Linklater: Comme annoncé, le film suit une famille pendant 12 ans, et en particulier un jeune garçon de ses 6 ans à son départ à la fac. Bien sûr, la particularité du film est de respecter la temporalité de l'histoire : 1 semaine de tournage tous les ans. Le film dure environ 2h45, ce qui me laissait initialement sceptique.
Tout d'abord, ce n'est pas un "film de famille". Certes, le film capture avant tout la banalité du quotidien, la soeur du héros est jouée par la fille du réalisateur (d'ailleurs, elle joue mieux que le garçon, en tout cas au début, et son évolution physique est également plus intéressante) et le film est totalement indépendant, mais il s'agit d'un film avec une vraie production (ça a du être le plus dur à obtenir pour Linklater, quelle assurance voudrait s'occuper d'un film ouvert à autant d'aléas ?), des figurants... On ne sent aucune improvisation du scénario, ce n'était absolument pas une approche expérimentale.
Les 2h45 n'ont non seulement pas parues longues (quelques moments de creux toutefois), mais elles se justifient. Chacune des 12 années constitue en une séquence d'environ 15 minutes mais elles ne sont pas fortement thématisées (on n'a pas le droit à une succession de moments clés, l'idée générale étant qu'il n'y en a en fait pas vraiment), et si on distingue le passage d'une année à l'autre par l'évolution physique des deux enfants (et de nouveaux personnages intégrés par ellipses), c'est fait de façon la plus fluide possible. Résultat : à 2h30 d'écart, on voit les mêmes gens (et surtout enfants) plus vieux de 12 ans, et on s'en est à peine aperçu. C'est évidemment l'objectif principal du dispositif de tournage, et c'est réussi.
Et le film dans tout ça ? Le dispositif étant au coeur du film et pas seulement un "outil", cela limite son ambition puisque ce que cela raconte est assez peu original (mais au moins il le revendique). En même temps, le quotidien permettait d'adapter le scénario si besoin. Néanmoins, on ressent comme c'est le temps et non des évènements décisifs qui façonnent la personnalité des personnages. Malgré quelques épisodes "dramatiques", le ton est globalement assez léger, et quand on y pense on évite pas mal de clichés et de poncifs qui semblaient pourtant destinés au film, même si on n'échappe pas à certains passages obligés (tendance film indé plutôt qu'Hollywoodien pour ado cependant).
Mon avis est globalement positif et je ne regrette absolument pas m'être déplacé bien que le film ne soit pas "mémorable".
Pour les deux jeunes acteurs par contre, ça a du être très spécial de jouer ces personnages se "construire" pendant qu'eux-mêmes se "construisaient", et ça doit être incroyable pour eux de voir le film (grisant, embarrassant ?), ainsi que pour leurs proches (donc Linklater).